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IV. Ils n’aiment, ni ne haïssent avec une grande force, pour la même raison ; mais, suivant la maxime de Bias, ils aiment comme s’ils devaient haïr un jour et haïssent comme si, plus tard, ils devaient aimer[1].

V. Ils ont l’esprit étroit, ayant été rabaissés par la pratique de la vie ; car rien de grand, rien de supérieur n’excite leurs désirs, tout entiers aux besoins de la vie.

VI. Ils ne sont pas généreux, parce que, pour eux, l’argent est une des choses nécessaires et que, en même temps, ils savent par expérience qu’il est difficile d’acquérir et facile de perdre.

VII. Ils sont timorés et tout leur fait peur. En effet, leurs dispositions sont le contraire de celles des jeunes gens. Ils sont glacés et ceux-ci pleins de feu ; par suite, la vieillesse se laisse guider par la peur : et en effet, la peur est une sorte de refroidissement.

VIII. Ils tiennent à la vie surtout dans leurs derniers jours, parce que leurs désirs portent sur ce qui n’est plus et que l’on désire surtout ce qui fait défaut.

IX. Ils s’aiment eux-mêmes plus qu’il ne faut, car il y a, là encore, de la petitesse d’esprit. Ils rapportent la vie à l’utile, mais non à ce qui est beau, plus qu’il ne convient, à cause de leur égoïsme. Car l’utile est un bien pour tel ou tel, tandis que le beau (moral) est un bien absolu.

X. Ils sont sans retenue plutôt que réservés, car, n’ayant pas autant de souci du beau que de l’utile, ils tiennent peu de compte de l’opinion.

XI. Ils ne sont pas portés à espérer, à cause de leur expérience, vu que la plupart des choses humaines sont mauvaises [2] et que par conséquent beaucoup d’entre

  1. Cp. Cicéron, De Amicitia, 16.
  2. Cp. § 1.