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l’autorité, la puissance, un grand nombre d’amis, une belle famille et tous les avantages analogues et, pareillement, s’il en résulte pour eux quelque autre bien encore. Et en effet, dans ce cas-là, les gens investis de l’autorité, s’ils sont riches depuis peu, nous affligent plus que lorsqu’ils sont riches d’ancienne date.

X. On peut en dire autant des autres cas[1] ; et la raison, c’est que les uns semblent posséder ce qui nous revient, et les autres, non : car ce qui nous apparaît comme ayant toujours été ainsi nous semble être de bon aloi, et, par suite, les autres posséder ce qui ne leur appartient pas.

XI. Et, comme chacun des biens n’est pas mérité par n’importe qui, mais qu’ils comportent une certaine corrélation et convenance (par exemple, la beauté des armes n’a pas de rapport de convenance avec le juste, mais avec le brave ; ni les brillants mariages avec les gens nouvellement enrichis[2], mais avec les nobles), conséquemment, si, tout en étant un homme de bien, on n’obtient pas un avantage qui réalise cette convenance, il y a place pour l’indignation ; et de même encore, si l’on voit un inférieur entrer en lutte avec un supérieur et, surtout, si le conflit porte sur un même objet. De là ces vers :

Il (Cébrion) déclinait la lutte avec Ajax, fils de Télamon ;


Car Zeus se fût indigné contre lui s’il eût combattu un homme qui lui était supérieur[3].
  1. Allusion à l’énumération énoncée un peu plus haut ; l’autorité, la puissance, etc.
  2. Vulgairement, les parvenus.
  3. Homère, Iliade, XI, 542, Le second vers n’est pas dans le vulgate de l’Iliade, mais se retrouve dans la Vie d’Homère du pseudo-Plutarque, avec une variante légère, mais inadmissible.