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CHAPITRE I.

naissable par soi de ce qui ne l’est pas. C’est [une maladie] dont on peut être affligé, cela est clair : il peut arriver en effet qu’un aveugle de naissance raisonne sur les couleurs. [Mais] on voit que de tels gens sont forcés de discourir sur les mots sans avoir d’idées.

Selon l’opinion de quelques hommes, la nature et l’essence des choses naturelles consistent dans leur sujet prochain et informe par lui-même : ainsi la nature du lit est le bois, celle de la statue l’airain. La preuve, dit Antiphon, c’est que si l’on enfouit un lit et que la putréfaction ait la force de faire pousser un rejeton, il se produira non un lit, mais du bois ; ce qui montre que la façon conventionnelle et artificielle [donnée à la chose] n’existe [en elle] que comme accident, tandis que l’essence est ce qui présente une durée continue et reçoit tout cela. Si ces [sujets] à leur tour se trouvent relativement à d’autres dans le même rapport [où la forme était relativement à eux], comme il arrive par exemple pour l’airain et l’or relativement à l’eau, pour les os et le bois relativement à la terre ou encore dans tout autre cas, [alors, dit-on], les nouveaux sujets constituent la nature et l’essence des premiers. C’est pourquoi d’après les uns le feu, d’après les autres la terre, d’après d’autres l’air ou l’eau et d’après d’autres encore plusieurs de ces [corps] ou tous [ensemble] constituent la nature de l’univers. Car celui ou ceux de ces corps qu’on regarde comme étant le sujet des choses, on le présente comme faisant l’essence de tout, tandis que le reste ne serait, à leur égard, qu’affections, habitudes et dispositions. Et chacun d’eux serait éternel (car il n’y aurait point de changement pour le faire sortir de sa manière d’être), tandis que tout le reste subirait à l’infini la génération et la corruption.

En un sens donc on appelle nature la matière qui sert