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gens, doués d’un esprit libéral[1], d’un caractère généreux, et qui sont véritablement épris de l’amour du beau, et pour les attacher invariablement à la vertu. Il semble que, d’ailleurs, ils soient impuissants à la faire naître dans les âmes vulgaires. Car celles-ci ne sont pas naturellement disposées à obéir à la voix de l’honneur ; elles cèdent plutôt à la crainte ; c’est le châtiment plus que le sentiment de la honte, qui peut les forcer à s’abstenir de ce qui est honteux et méprisable. C’est que la plupart des hommes vivant sous l’empire des passions, poursuivent avec ardeur les plaisirs propres à chacune d’elles, ou les moyens de se les procurer, et fuient les peines qui y sont opposées ; mais, n’ayant jamais connu par expérience ce que c’est que le beau, et le plaisir véritable, ils n’en ont pas même l’idée. Quel raisonnement pourrait donc ramener à la règle des hommes de ce caractère ? Car il n’est pas possible, ou du moins il est fort difficile à la raison de réformer des vices qui se sont dès longtemps comme fondus dans les mœurs, et peut-être doit-on se contenter, quand on réunit tous les moyens qui sont regardés comme propres à nous

  1. Il y a proprement, dans le grec : « Les jeunes gens qui sont libéraux ; » car le mot ἐλευθέριος (libéral), signifie plus spécialement celui qui a des sentiments dignes d’un homme né libre, par opposition à ceux des hommes nés dans l’esclavage, qu’on appelait ἀνδραποδώδεις (serviles). Dans le langage, des moralistes grecs, tout homme asservi à ses passions, ou qui se fait l’instrument de celles des autres, est appelé servile.