Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/574

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce qui le prouve, c’est que les autres animaux, qui sont entièrement privés d’une pareille activité, ne participent point au bonheur : car la vie des Dieux est un état de félicité constante et parfaite ; celle des hommes n’est heureuse qu’autant qu’elle ressemble en quelque chose à une telle activité, tandis qu’aucun autre animal ne peut goûter le bonheur, précisément parce qu’il n’est jamais capable de contemplation. Par conséquent, le bonheur s’étend ou s’augmente à proportion de la faculté contemplative ; et plus on la possède à un degré éminent, plus aussi l’on est heureux, non pas par accident ou d’une manière indirecte, mais par le fait même de la contemplation : car elle est par elle-même d’un grand prix, en sorte qu’on pourrait dire que le bonheur est, pour ainsi dire, une sorte de contemplation.

Cependant, l’homme ne saurait se passer de l’aisance qui tient aux biens extérieurs : car la nature humaine est incapable de se suffire à elle-même dans l’exercice de sa faculté contemplative ; il faut encore que le corps jouisse de la santé, qu’il puisse se procurer les aliments, et toutes les autres ressources nécessaires. Mais, d’un autre côté, quoiqu’il n’y ait point de félicité possible sans les biens extérieurs, il ne faut pas s’imaginer que, pour être heureux, l’on ait besoin de ces biens en grande abondance, et des plus précieux. Car ce n’est pas dans l’excès que se trouve la mesure suffisante, ni les moyens de se procurer les services ou les produits dont on a besoin. On peut, au contraire