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mêlés d’aucune peine, et, entre ceux qui nous viennent des sens, le plaisir que nous font les odeurs[1] est dans ce cas, de même que ceux que nous donnent la vue et l’ouïe, et aussi un grand nombre de souvenirs et d’espérances. De quoi donc tous ces plaisirs seront-ils des générations ? car il n’y a là aucun vide à remplir, aucun besoin dont ils soient la satisfaction.

Quant à ceux qui font valoir comme une objection [contre la doctrine d’Eudoxe] les voluptés infâmes, on pourrait leur répondre qu’elles ne sont pas réellement des plaisirs. Car, de ce qu’elles plaisent aux hommes qui ont des dispositions vicieuses, il n’en faut pas conclure qu’elles soient absolument des plaisirs (excepté pour ceux-là) comme les aliments qui semblent sains, ou sucrés, ou amers, à des gens malades, et les couleurs qui paraissent blanches à ceux qui ont une maladie d’yeux, ne le sont pas réellement. On pourrait répondre encore que les plaisirs sont désirables, mais

  1. Voyez ce que dit, sur ce sujet, Aristote, dans un autre endroit (Auscult. Physic.l. 7, c. 3 et 4), et Platon (Phileb. p. 51—52, et De Repub. l. 9, p. 583—584). Toute cette doctrine métaphysique de Platon, sur la nature du plaisir, qui est réfutée par Aristote, malgré l’air de profondeur et l’apparente subtilité avec laquelle elle est exposée, notamment dans le Philebus, paraît néanmoins, comme tant d’autres doctrines anciennes et modernes, sur les questions de ce genre, n’avoir pour fondement qu’une fausse analogie entre l’esprit et la matière, comme l’observe, avec beaucoup de raison, notre philosophe.