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actes de vertu ne sont pas des qualités, ni le bonheur non plus. Mais, dit-on, le bien est quelque chose de fini ; au lieu que la volupté est quelque chose d’indéfini[1], parce qu’elle est susceptible de plus et de moins. Si l’on en juge ainsi par les sentiments de joie que l’homme peut éprouver, il faudra dire la même chose de la justice et des autres vertus, ou qualités qui peuvent évidemment se trouver chez les hommes à divers degrés. Car ils peuvent être plus ou moins justes ou courageux, et l’on peut aussi être plus ou moins porté à faire des actes de justice et de raison. Et si l’objection s’applique aux plaisirs mêmes, peut-être ne touchet-elle pas la véritable cause [de la difficulté], s’il est vrai qu’il y ait des plaisirs purs, et d’autres qu’on pourrait appeler mixtes[2].

    Platoniciens contre la volupté. Voyez ce qui a été dit, sur le même sujet, ci-dessus, l. 8, c. 12.

  1. Allusion au tableau comparatif que les Pythagoriciens avaient formé des qualités opposées, et dont il a déjà été question. Voyez l. i, c. 6, note 2.
  2. Il paraît qu’Aristote entend ici par plaisirs purs (au sens de Platon), les idées ou conceptions générales exprimées par le mot plaisir ; et qu’il entend par plaisirs mixtes, les sentiments particuliers et individuels de plaisir. C’est au moins la manière dont les commentateurs grecs ont compris ce passage, qui est assez obscur. Il semble donc qu’Aristote a voulu dire qu’il ne servirait de rien aux Platoniciens de dire qu’ils ne veulent parler que de la pure notion intellectuelle, ou de l’idée du plaisir, parce qu’il faut toujours finir par le considérer comme éprouvé par quelque individu, et par l’effet de quelque cause particulière.