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réalité de ce qui est attesté par l’assentiment universel ; et celui qui renverse une telle croyance ne dira rien qui puisse mériter plus de confiance. En effet, s’il n’y avait que les êtres dépourvus de raison qui recherchassent la volupté, peut-être l’objection aurait-elle quelque force ; mais, si les créatures raisonnables éprouvent le même attrait, alors que signifie-t-elle ? Il se peut, au reste, qu’il y ait, dans les êtres les plus abjects, un don naturel et supérieur à eux-mêmes, qui les porte vers le bien qui leur est propre.

D’ailleurs, on ne réfute pas victorieusement l’argument en sens contraire : car on nie que, si la douleur est un mal, le plaisir doive être un bien, attendu, dit-on, qu’il peut se faire qu’un mal soit le contraire d’un autre mal, et que l’un et l’autre ne soient le contraire d’aucun des deux ; en quoi on peut avoir raison : mais on n’objecte rien de solide et de vrai contre ce qu’a dit Eudoxe. Car, si le plaisir et la douleur sont des maux, il faut les fuir l’un et l’autre ; si ni l’un ni l’autre ne sont des maux, il ne faut fuir ni l’un ni l’autre, ou les fuir également tous deux. Mais ici il semble bien évident qu’on évite l’un comme un mal, et qu’on préfère l’autre comme étant un bien ; et, de cette manière, ils sont évidemment opposés l’un à l’autre.

III. Au reste, si la volupté n’est pas au rang des qualités, ce n’est pas à dire pour cela qu’on ne puisse la mettre au nombre des biens[1] ; car les

  1. Notre auteur continue de réfuter les raisonnements des