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Ce sera l’objet du traité qui suit immédiatement celui-ci [la Politique].



I. IL est peut-être à propos de traiter à présent du plaisir ; car c’est une affection qui semble tout-à-fait appropriée à notre espèce. Voilà pourquoi le plaisir et la peine sont les moyens dont on se sert, dans l’éducation de la jeunesse, pour la gouverner[1]. Le point le plus important, par rapport à la vertu morale, est, ce semble, qu’on aime ce qui doit plaire, et qu’on haïsse ce qui est digne d’aversion ; car ces sentiments s’étendent sur l’existence toute entière, et ont une grande influence sur la vertu et sur le bonheur de la vie, puisqu’on préfère ce qui donne du plaisir, et qu’on fuit ce qui cause de la peine. Or, on doit d’autant moins passer ce sujet sous silence, qu’il présente plusieurs difficultés à résoudre.

En effet, les uns prétendent que la volupté est le bien par excellence ; les autres soutiennent, au contraire, qu’elle est de tout point funeste et méprisable ; soit que ceux-là croient qu’elle est réellement un bien, soit que ceux-ci aient pensé qu’il y avait plus d’avantage, pour la vie humaine, à ranger la volupté parmi les maux, quand même elle n’en serait pas un. Car, comme la plupart des hommes penchent de ce côté, et se rendent esclaves des vo-

  1. Il a dit précédemment (l. 2, c. 3) que c’était la doctrine de Platon. Voyez Plat. De Legib. l. 1 et 2, p. 643 et 653.