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[pour lui] vivre, c’est sentir ou penser. Enfin, vivre est bon et agréable en soi ; car c’est quelque chose de fini : or, le nombre fini est le symbole de la nature du bien ; mais ce qui est bon par sa nature, l’est nécessairement pour l’homme de bien, d’où il suit qu’il doit l’être aussi à tous les hommes. Mais il n’y faut pas comprendre ceux qui sont vicieux et corrompus, ou accablés de peines et d’afflictions : car ce serait quelque chose d’infini[1], comme [le vice, la corruption, et la peine elle-même] qui se trouvent dans une pareille vie, ainsi qu’on le fera bientôt voir[2] plus clairement, en parlant [des plaisirs et] des peines.

Au reste, si la vie est un bien, elle doit être, par cela même, une chose agréable. C’est ce qu’on voit par le charme qu’y trouvent tous les hommes, et surtout ceux qui sont vertueux et heureux : car ce sont eux qui attachent le plus de prix à la vie, et à qui elle offre la félicité la plus accomplie. Cependant, tout homme qui voit, ou entend, ou marche, sent qu’il voit, qu’il entend, qu’il marche ; il en est ainsi de toutes les autres actions ; il y a en nous quelque chose qui sent que nous agissons. Nous pouvons donc sentir que nous sentons, et

  1. Les Pythagoriciens, à la doctrine desquels Aristote fait allusion, regardaient le nombre fini, comme le symbole du bien, et le nombre infini, comme celui du mal. Voyez, ci-dessus, l. 1, c. 6, note 2.
  2. Dans le dixième livre.