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qu’on l’a dit au commencement[1], et puisqu’il peut toujours y avoir entre les amis ou égalité ou supériorité relative : car ou les amis sont égaux en vertu, ou l’un est plus vertueux que l’autre, et il en est de même des qualités agréables ; et, en fait d’utilité, ils peuvent ou se procurer réciproquement des avantages égaux, ou l’emporter l’un sur l’autre. Il faut donc, lorsqu’il y a égalité, qu’elle se manifeste dans l’attachement réciproque et dans toutes les autres circonstances ; et, entre personnes inégales, il faut que l’inférieur trouve quelque compensation proportionnée à la supériorité de l’autre. Au reste, ce n’est pas sans raison que l’amitié fondée sur l’utilité est la seule qui donne lieu à des plaintes et à des réclamations, ou au moins celle où elles sont le plus fréquentes. Car ceux dont la vertu forme le lien, sont empressés à se faire réciproquement du bien, puisque c’est le propre de la vertu et de l’amitié ; or, une pareille émulation ne produit ni plaintes ni contestations : car personne n’est fâché que son ami lui fasse du bien ; mais, quand on est reconnaissant, on se venge par d’autres bienfaits. Celui même qui a la supériorité en ce genre, ne faisant que ce qu’il a voulu faire, ne saurait se plaindre de son ami, puisque chacun d’eux désire ce qui est bien.

Les amitiés, fondées sur le plaisir, ne sont guère plus sujettes à cette espèce d’inconvénient : car les deux amis trouvent, en pareil cas, ce qui peut les

  1. Au commencement du chapitre III de ce livre.