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animé, et l’outil ou l’instrument est un esclave inanimé[1]. Il ne peut donc pas être l’objet de l’amitié en tant qu’esclave, mais il peut l’être en sa qualité d’homme ; et il semble, en effet, que tout homme est obligé à quelque devoir de justice envers tout être capable de se soumettre à une loi commune, ou de participer à une convention, et, par conséquent, est un objet convenable d’amitié, en tant qu’il est homme.

Les sentiments d’affection et de justice n’existent donc que bien peu sous un gouvernement tyrannique ; ils ont, au contraire, le plus haut degré d’énergie dans la démocratie, parce que les citoyens, y étant égaux, ont entre eux une infinité de rapports communs.

XII. Toute amitié, sans doute, consiste dans une sorte de communauté [de goûts, d’intérêts, d’opi-

  1. Voyez la Politique,l. i, c. 2, où cette doctrine aussi absurde qu’inhumaine, mais malheureusement fondée sur un ordre de choses qui tenait encore à la barbarie de l’état sauvage, est exposée, avec plus de développement. Voyez aussi Eudem. l. 7, c. 9. Il faut pourtant savoir quelque gré aux anciens jurisconsultes, en admettant un principe confirmé par l’usage universel de leur temps, d’avoir toujours pris soin d’observer qu’il est contraire au droit naturel. Quod attinet ad jus civile, servi pro nullis habentur, non tamen jure naturali : quia, quod ad jus naturale pertinet, omnes homines sunt æquales. " Quant au droit civil, les esclaves sont comptés pour rien ; mais il n’en est pourtant pas ainsi dans le droit naturel ; parce que, suivant le droit naturel, tous les hommes sont égaux, » dit le jurisconsulte Ulpien, cité par l’un des commentateurs d’Aristote, sur cet endroit de sa Morale.