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de son troupeau ; et c’est pour cela qu’Homère appelle Agamemnon le pasteur des peuples[1]. Telle est encore la tendresse paternelle ; mais elle l’emporte par la grandeur des bienfaits : car le père est l’auteur de l’existence, c’est-à-dire, du plus grand des biens, pour ses enfants ; il pourvoit à leur nourriture et à leur éducation. On rend même un hommage semblable aux ancêtres ; car il y a une sorte d’autorité naturelle du père sur ses enfants, des ancêtres sur leurs descendants, du roi sur ses sujets. De ces relations naissent des sentiments de respect et de dévouement, portés au plus haut degré d’exaltation ; ils sont la source des honneurs que nous rendons à nos ancêtres. Il y a donc aussi de la justice dans ces sentiments, non pas la même sans doute, mais une justice proportionnée au mérite ; car c’est là un des caractères de l’amitié.

La tendresse d’un mari pour sa femme est un sentiment analogue à celui qui règne dans le gouvernement aristocratique ; car la supériorité des avantages y est, pour la vertu, en proportion du

  1. Dans l’Iliade (ch. 11, vs. 254, 772, etc.) Homère appelle, au contraire, les mauvais princes, des rois dévorateurs du peuple (δημοϐόρους). Suétone nous apprend que Tibère écrivit à des préfets des provinces, qui lui conseillaient d’augmenter les impôts : « Que le devoir d’un bon pasteur était de tondre le troupeau, et non de l’écorcher. » Boni pastoris esse tondere pecus, non deglubere. (Sueton. in Tiber. c. 32.) Quel langage, dans la bouche d’un pareil monstre ! Était-ce retour momentané à quelques sentiments de justice, ou une insolente dérision, jointe à la plus détestable hypocrisie ?