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bien sous ce double rapport [c’est-à-dire, comme bon en soi, et comme agréable à son ami].

D’ailleurs, ce qu’on appelle un simple goût semble être plutôt un sentiment [ou une affection fugitive], et l’amitié une disposition, ou manière d’être, constante. En effet, le simple goût peut se manifester aussi pour des choses inanimées ; au lieu que la réciprocité d’attachement suppose un choix, une préférence, et la préférence réfléchie vient de l’habitude. Et ce n’est pas par l’effet d’une affection momentanée qu’on peut vouloir du bien à ses amis pour eux-mêmes, mais par habitude. D’ailleurs, aimer son ami, c’est aimer ce qui nous est bon ; car l’homme vertueux, quand il est devenu ami, est un bien véritable pour celui qu’il aime. Chacun d’eux aime donc ce qui est un bien pour lui-même, et rend la pareille à son ami, en bienveillance et en agrément. Car l’amitié s’appelle aussi égalité[1] ; mais c’est surtout dans celle des hommes vertueux que cela peut se rencontrer.

VI. L’amitié est d’autant plus rare chez les personnes d’un caractère dur et austère, et chez les vieillards, qu’ils sont d’une humeur plus difficile, et moins disposés à goûter le charme d’un commerce réciproque ; car c’est là ce qui caractérise et forme surtout un pareil lien. C’est pour cela que les jeunes gens deviennent promptement amis, et non pas les hommes avancés en âge ; car ceux-ci

  1. C’était une des maximes de Pythagore. Voy. Diog. Laert. l. 8, § 10.