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pourquoi les plaisirs du corps semblent ordinairement devoir être préférés.

Premièrement, c’est qu’ils bannissent le chagrin ; et, dans les peines portées à l’excès, on cherche quelquefois des plaisirs aussi excessifs, surtout ceux des sens, comme un remède à sa souffrance. Mais ce sont des remèdes violents ; et ce qui fait qu’on les recherche, c’est que la violence de l’état contraire en suggère, en quelque sorte, l’idée. Cependant, le goût de la volupté est regardé comme une habitude vicieuse, par les deux raisons que nous avons déjà dites, parce qu’il porte à des actions qui n’appartiennent qu’à une nature perverse ou dégradée, soit par le fait de la naissance, comme la bête sauvage, soit par la coutume, comme cela a lieu pour les hommes vicieux. Quant aux plaisirs envisagés comme des remèdes [ils ne sont pourtant pas estimables], parce qu’ils sont un signe de besoin, et qu’il vaut mieux être exempt de besoins que d’avoir à les satisfaire ; et que cette espèce de plaisirs sont le partage d’hommes occupés à s’affranchir d’un besoin. Ce n’est donc que par accident [ou d’une manière indirecte] qu’ils peuvent être estimables.

D’ailleurs, leur vivacité même les fait rechercher par ceux qui sont incapables d’en goûter d’autres ; aussi voit-on qu’ils en excitent en eux-mêmes la soif, s’il le faut ainsi dire : cependant, lorsqu’ils n’ont point de conséquences nuisibles, on ne saurait les blâmer ; mais, lorsqu’ils peuvent nuire, ils sont un mal : car on ne peut pas leur en substituer