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principes des autres sont fondés sur l’expérience ; et que, dans celles-ci, les jeunes gens n’ont pas la conviction des principes, mais se bornent à les énoncer, tandis que, pour les mathématiques, on voit avec évidence quel en est le fondement ? D’ailleurs, quand on délibère [sur les objets des sciences physiques], l’erreur peut se rencontrer ou dans les propositions générales, ou dans les faits particuliers ; car [on peut se tromper, par exemple, en affirmant] ou que toutes les eaux pesantes sont mauvaises et nuisibles à la santé, ou que telle eau [qu’on indique] est pesante. Il est donc évident que la prudence n’est pas la science : car elle s’applique surtout à une résolution définitive, ainsi que je l’ai dit ; et c’est cette résolution qu’il s’agit d’exécuter.

D’un autre côté, elle est opposée à l’intelligence, en ce que celle-ci s’applique aux termes dont il est impossible de donner une définition : au lieu que la prudence a pour objet un dernier parti à prendre, qui n’est pas l’objet de la science, mais l’effet d’un sentiment[1], non pas tel que ceux qu’on éprouve à l’occasion des choses particulières, mais tel que celui qui nous fait reconnaître (par exemple) que le triangle est l’élément des figures mathématiques ; car c’est là que s’arrête le sentiment en ce genre.

La prudence elle-même est donc plutôt un sen-

  1. C’est-à-dire, ce que nous appelons ordinairement le bon sens ou le sens commun.