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VIII. La prudence et la politique sont, à vrai dire, une même habitude ou disposition d’esprit ; mais elles n’ont pas la même nature ou la même essence. Cependant, à l’égard de la société civile, la prudence qui en dirige les ressorts, comme science principale (architectonique), c’est la législation ; et celle qui préside aux détails de l’administration, conserve le nom commun de politique. Elle est proprement pratique et délibérative ; car un décret s’applique à ce qui doit s’exécuter immédiatement, comme chose définitivement résolue. Voilà pourquoi on dit que ceux qui rendent les décrets sont de fait ceux qui gouvernent ; car ce sont eux qui exécutent, comme les ouvriers ou manouvriers. Il semble pourtant que la prudence est communément considérée comme relative à un seul et même individu ; mais ce mot s’étend aussi à l’économie, à la législation, à la politique, laquelle se divise même en deux espèces, délibérative et judiciaire.

Ainsi, savoir ce qui est utile ou important à l’individu, est un genre de prudence, mais fort différent dé la politique ; et celui qui sait simplement ce qui le touche ou l’intéresse, et qui s’en occupe exclusivement, peut être regardé comme prudent ; mais les hommes politiques sont occupés d’une infinité d’affaires et d’intérêts divers ; ce qui a fait dire à Euripide : « Quelle a été mon imprudence ! moi qui pouvais, sans soins, sans soucis, confondu dans la foule des guerriers, partager le sort et la fortune des plus sages ! car Jupiter