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être regardée comme le plus haut point de précision ou de perfection dans les sciences.

Il faut donc que le sage [l’homme habile par excellence], non-seulement connaisse les conséquences qui dérivent des principes, mais aussi qu’il sache la vérité des principes. En sorte que la sagesse serait l’intelligence et la science, et que sa partie capitale ou fondamentale serait la connaissance de ce qu’il y a de plus noble et de plus sublime. En effet, il y aurait peu de raison à considérer la politique, ou la prudence, comme la plus importante des sciences, si l’homme n’était pas ce qu’il y a de plus excellent dans l’univers. Si donc ce qui est sain et avantageux pour les hommes diffère de ce qui l’est pour les poissons, tandis que ce qui est blanc ou droit est toujours blanc ou droit, tout le monde conviendra que ce qui est sage est toujours sage, au lieu que ce qui est prudent en de certains cas, ne l’est pas dans d’autres. Car on ne saurait nier que le propre de la prudence ne soit de bien juger de chaque objet par rapport à nous, et l’on accorde volontiers de la confiance aux hommes qui ont cet avantage. Voilà pourquoi l’on attribue la prudence à ceux d’entre les animaux qui manifestent quelque faculté de prévoyance dans tout ce qui intéresse leur vie.

Mais il est facile de voir que la sagesse n’est pas la même chose que la politique ; car si l’on veut appeler sagesse le discernement de ce qui nous est utile, il y aura bien des sortes de sagesse. En effet, discerner ce qui est avantageux à tous les animaux,