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ligence  ; et si, entre ces facultés, il y en a trois, la science, la prudence, et la sagesse, dont aucune ne peut être celle que nous cherchons, il reste donc que c’est l’intelligence à qui appartient la conception des principes.

VII. Pour ce qui est de l’habileté[1], nous l’attribuons surtout à ceux qui pratiquent les arts avec le plus de perfection : c’est ainsi que nous appelons Phidias un habile sculpteur, et Polyclète un statuaire habile ; et, dans ce cas, nous ne désignons, par le mot habileté, que la perfection ou le mérite de l’art. Cependant, il y a des hommes que nous regardons comme habiles dans un sens général et absolu, et non pas dans quelque genre en particulier ; en un mot ; que nous appelons simplement et généralement habiles, comme s’exprime Homère dans le Margitès[2] : « Les dieux n’en avaient fait ni un cultivateur, ni un laboureur, ni un homme habile en quoi que ce soit. » D’où il suit évidemment que l’habileté ou la sagesse (σοφία) pourrait

  1. Voy. M. M., l. i, c. 35, où l’on définit la sagesse, ou l’habileté, l’union de l’intelligence et de la science. Il faut remarquer ici que le mot σοφία, que je traduis tantôt par habileté, et tantôt par sagesse, a signifié généralement chez les Grecs, et dans les plus anciens temps, la supériorité de talent ou de mérite dans quelque espèce d’art, de science ou de connaissance que ce fût.
  2. Nom d’un personnage célèbre par sa sottise ridicule, sur lequel Homère composa un poëme, ou un drame, satirique ou comique, de même nom que le héros, mais que nous n’avons plus.