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Mais il nous reste encore à traiter deux des questions que nous nous sommes proposées : d’abord, si l’auteur de l’injustice est celui qui adjuge à un autre plus qu’il ne mérite, ou si c’est celui qui reçoit la chose qui lui est adjugée ; et ensuite, s’il est possible que l’on commette l’injustice contre soi-même.

En effet, si l’on admet que le premier cas ait lieu, c’est-à-dire, si celui qui adjuge est l’auteur de l’injustice, mais non pas en prenant plus qu’il ne doit avoir ; comme si quelqu’un, ayant un partage à faire, donne à un autre plus qu’il ne prend pour lui-même, il s’ensuivra qu’il se fait tort à lui-même, comme il arrive assez ordinairement aux personnes désintéressées. Car l’homme modeste a un penchant naturel à diminuer son partage. Ou bien, si l’on trouve que la question n’est pas simple ; si l’on suppose, par exemple, que cet homme avait d’autres avantages en partage, comme la gloire, ou ce qui est proprement honorable et beau, la difficulté se résout pourtant encore par notre définition de l’expression être auteur de l’injustice. Car enfin, il ne souffre, en ce cas, rien qui soit contre sa volonté : ainsi, sous ce rapport au moins, il n’est pas l’objet de l’injustice ; seulement, c’est un dommage pour lui, supposé qu’il y ait dommage. Au reste, il est clair que celui qui fait le partage est l’auteur de l’injustice, et non pas celui qui reçoit le plus : car celui entre les mains de qui se trouve la chose injustement donnée, ne commet pas l’injustice, mais bien celui en qui se trouve