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pourrait, par intempérance, consentir à éprouver quelque tort de la part d’un autre qui y consentirait aussi, en sorte qu’il serait possible qu’on fût, de son propre consentement, l’objet de l’injustice. Ou bien, notre définition n’est-elle pas encore exacte, et faut-il ajouter à l’idée de nuire, en sachant à qui, et par quel moyen, et comment, la condition que ce soit contre la volonté de celui à qui l’on nuit ?

Un homme peut donc éprouver un dommage volontairement, et il souffre des choses injustes ; mais personne n’est volontairement l’objet de l’injustice, puisque personne ne consent à l’être, pas même l’intempérant ; au contraire, il agit contre sa volonté. Personne, en effet, ne veut ce qu’il croit n’être pas conforme à l’honneur et à la raison ; mais l’intempérant ne laisse pas de faire ce qu’il croit qu’on ne doit pas faire.

Quant à celui qui donne ce qui lui appartient, comme Homère[1] le raconte de Glaucus, lequel donna (dit-il) à Diomède « des armes d’or pour des armes de cuivre, une armure du prix d’une hécatombe pour celle qui ne valait que neuf bœufs », celui-là n’est pas l’objet de l’injustice, car il est le maître de donner : mais être l’objet de l’injustice ne dépend pas de lui ; il faut, pour cela, qu’il y ait quelqu’un ; qui commette cette injustice. Il est donc évident qu’être l’objet de l’injustice n’est pas une chose volontaire.

  1. Voyez l’Iliade d’Homère (ch. VI, vs. 236).