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Mais il semblerait étrange, quant à se faire rendre justice, de demander si c’est toujours une chose volontaire ; car il y a des personnes à qui cela arrive sans qu’elles le veuillent. On pourrait même demander encore si tout homme qui éprouve une chose injuste, est réellement traité avec injustice ; ou bien, s’il en est de l’idée de souffrir ou de supporter, comme de l’idée d’agir ou de faire ? Car il peut arriver que l’on souffre, ou que l’on fasse ce qui est juste par le pur effet du hasard ; et il est évident qu’il en peut être de même de ce qui est injuste : car faire des choses injustes n’est pas toujours commettre, une injustice, et éprouver des choses injustes n’est pas la même chose qu’être l’objet de l’injustice. Pareillement, pour ce qui est de pratiquer la justice et de se faire rendre justice ; car il est impossible qu’on soit l’objet de l’injustice, sans qu’il y ait quelqu’un qui en soit l'auteur ; et il est impossible qu’on se fasse rendre justice, sans qu’il y ait quelqu’un qui pratique la justice.

Cependant, si commettre l’injustice signifie proprement nuire volontairement à quelqu’un, et si par volontairement on entend sachant à qui, et par quel moyen, et comment ; si, enfin, c’est volontairement que l’intempérant se nuit à lui-même, alors ce serait volontairement qu’il serait l’objet de l’injustice ; et il se pourrait que l’on commît l’injustice contre soi-même. Mais voilà précisément ce dont on doute, s’il est possible que l’on commette l’injustice contre soi-même ; et encore si un homme