Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entre l’un et l’autre. Les mots gain et perte peuvent exprimer l’un plus et l’autre moins dans des sens opposés : gain signifie ici plus de bien et moins de mal, et perte, au contraire, [moins de bien et plus de mal] ; le milieu entre l’un et l’autre sera l’égalité, qui, selon nous, est la justice ; en sorte que le juste, par compensation, sera le milieu entre la perte et le gain : aussi a-t-on recours au juge, toutes les fois qu’il s’élève une contestation. Or, recourir au juge, c’est recourir au droit ; car le juge est, en quelque sorte, le droit personnifié, et l’on cherche un juge impartial, un de ces hommes que quelques-uns appellent arbitres ou médiateurs[1], comme étant sûrs qu’ils sont dans le droit, s’ils peuvent être dans le juste milieu Le droit est donc, en effet, quelque chose qui consiste dans cette observation du terme moyen, puisque c’est également là la fonction du juge. Car il s’attache surtout à rétablir l’égalité ; et, comme on le pratique a l’égard d’une ligne partagée en deux parties inégales, il retranche à la plus grande partie la quantité dont elle excède la moitié, pour l’ajouter à la plus petite. Mais, lorsqu’un tout est ainsi divisé en deux portions égales, et que chacun en reçoit une, alors on dit que chacun a ce qui lui appartient. Or, ce qui est égal, c’est la quantité moyenne entre une plus grande et une plus petite, suivant la proportion arithmétique ; et de là vient que le mot δίκαιον [qui signifie juste] exprime ce qui est par-

  1. En grec, μεσιδίους. Voyez la Politique, l. 5, c.5, § 9.