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des sujets qui n’en valent pas la peine, et qui ne peuvent être apaisés que par la punition de l’offenseur, ou quand ils se sont vengés[1].

Au reste, l’excès de la colère est plus opposé à la douceur, parce qu’il est plus commun, que l’homme est plus naturellement enclin à la vengeance, et qu’il est plus difficile de vivre avec les gens de ce caractère. Mais, comme je l’ai dit précédemment[2], et comme on a pu s’en convaincre par ce que je viens de dire, il n’est pas facile de marquer avec précision, comment, contre quelles personnes, pour quels sujets, et combien de temps il convient d’avoir de la colère, et quelle est la limite où s’arrête la raison, et où commence l’erreur. En effet, on ne blâme pas généralement celui qui ne s’en écarte que d’une manière peu sensible, soit en plus, soit en moins ; puisqu’on loue quelquefois ceux qui restent en deçà du degré convenable, et qu’on les appelle des hommes doux et faciles, et que d’autres fois ceux qui montrent du ressentiment sont appelés des hommes courageux et dignes de commander[3]. Il n’est donc pas facile d’exprimer

  1. Aristote, dans sa Rhétorique (l. i, c. 10), fait une sage distinction entre punition ou châtiment, et vengeance. « La punition ou le châtiment, dit-il, a lieu dans l’intérêt ou pour l’avantage de celui qui l’éprouve. La vengeance ne sert qu’à satisfaire celui qui l’exerce. »
  2. Ci-dessus, l. 2, c. 9.
  3. Cicéron (Tuscul. l. 4, c. 19), reproche aux péripatéticiens d’avoir quelquefois loué comme courageux les hommes d’une humeur violente et colère. Voyez aussi ce que dit Sénèque sur le même sujet. (De Irā, l. i, c. 9.)