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pendant le temps convenable, ne peut qu’être loué ; et, par conséquent, ce sera un homme indulgent et doux, si l’indulgence est digne d’éloges : car un pareil caractère suppose l’absence des mouvements violents et de l’emportement des passions[1], et qu’on ne soit susceptible de s’irriter que dans les occasions où la raison l’exige, et autant de temps qu’elle le permet. Cependant ce caractère semble pécher par défaut, parce que l’homme indulgent est plus enclin à pardonner qu’à punir.

Or ce défaut, cette incapacité d’éprouver de la colère, quelque nom qu’on lui donne, est blâmable ; car ceux qui n’ont aucun ressentiment des choses qui le méritent, passent pour stupides, aussi bien que ceux qui n’en ont ni contre les personnes, ni dans les occasions, ni de la manière qu’il faut ; car il semble qu’ils soient insensibles et incapables d’éprouver aucune peine. D’ailleurs celui qui n’éprouve jamais de colère ne peut pas repousser l’outrage ; or, il y a quelque chose de lâche et de servile à le supporter soi-même, et à y laisser exposés ceux qu’on doit protéger.

L’excès en ce genre peut avoir lieu de toutes les manières ; car on peut éprouver de la. colère ou contre les choses, ou contre les personnes qui ne le méritent pas, ou plus tôt ou plus long-temps qu’il ne faut. Mais la même personne ne réunit pas tous ces inconvénients à la fois ; cela serait impossible : car tout mal se détruit, en quelque sorte,

  1. Voyez.M. M. l. i, c. 23 ; et Eudem, l. 3, c. 3.