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blent se disputer cette place qui est, pour ainsi dire, restée vide. Cependant, dans toutes les choses où il y a excès et défaut, il y a aussi un milieu : et, en effet, il y a des gens qui désirent les honneurs plus ou moins qu’il ne faut ; et il s’en trouve chez qui ce désir est tel qu’il doit être : aussi cette disposition de l’âme est-elle un juste sujet de louange, parce qu’elle est, à l’égard du désir des honneurs, ce juste milieu qui n’a pas de nom. Mais, par rapport à l’ambition, il semble être indifférence complète pour les honneurs, et, à l’égard de cette complète indifférence, il semble être ambition. En un mot, comparé à chacun des extrêmes, il semble revêtir l’apparence de l’autre, et la même observation peut, à quelques égards, s’appliquer aux autres vertus. Mais l’opposition qui paraît ici entre les extrêmes, vient de ce que le milieu n’a pas reçu de nom.

V. La douceur est un juste milieu par rapport aux sentiments de colère : mais comme ce milieu n’a point proprement de nom, et que même c’est à peine si l’on en a pour désigner les extrêmes, on se sert du mot douceur, bien qu’il exprime une manière d’être qui se rapproche plutôt du défaut en ce genre, lequel n’a pas non plus de nom : l’excès pourrait être appelé irascibilité. En effet, l’affection même qu’on éprouve est la colère, et les causes qui peuvent la produire sont nombreuses et diverses. Celui donc qui s’indigne contre les choses, ou contre les personnes qui méritent un pareil sentiment, qui l’éprouve dans le degré qu’il faut, et