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pense possible ; encore ne s’y décidera-t-il qu’à regret, et avec l’air d’un homme qui croit toujours faire plus qu’il ne doit. Ces deux genres d’habitudes ou de caractères sont donc des défauts, mais qui n’attirent point de graves reproches, parce qu’ils ne sont ni dommageables au prochain, ni extrêmement choquants.

III. Le nom même de la magnanimité[1] indique assez qu’elle se rapporte aux choses qui ont de la grandeur. Mais faisons voir d’abord quelles sont ces choses ; car observer une habitude, ou celui en qui elle se trouve, cela revient au même. Or, on regarde comme magnanime celui qui se croit digne de faire de grandes choses, et qui l’est en effet ; car celui qui conçoit une pareille opinion sans fondement,

  1. Voy. M. M. l. i, c. 26 ; Eudem. l. 3, c. 5. Dans sa logique, (Analyt. Poster. l. 2, c. 13), notre philosophe, en traitant de la définition, s’exprime en ces termes : « Si nous voulons savoir ce que c’est que la magnanimité, il faut savoir ce qu’il y a de commun à tous les hommes magnanimes dont nous ayons connaissance, en tant qu’ils sont tels. Si, par exemple, Alcibiade, Achille et Ajax ont eu cette qualité, il faut remarquer une chose commune à tous, comme de n’avoir pu supporter l’outrage, puisque l’un a fait la guerre à sa patrie pour cette cause, l’autre s’est abandonné à un long ressentiment, et l’autre s’est tué lui-même ; et ainsi, par rapport à d’autres individus, comme Lysandre et Socrate. Or, si l’indifférence dans la prospérité et dans la mauvaise fortune, est un trait qui leur soit commun, j’examine ce qu’ont de commun cette indifférence même, et l’impuissance à supporter l’outrage ; et, s’il n’y a rien qui puisse appartenir à ces deux caractères à la fois, ce seront deux espèces de la magnanimité. »