Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est de même du goût pour les odeurs, si ce n’est eu égard aux idées qui s’y joignent ; car nous n’appelons point intempérants ceux qui aiment l’odeur des pommes, des roses et des parfums ; mais plutôt ceux qui aiment les essences, et l’odeur des mets recherchés ; car les débauchés aiment ces sortes d’odeurs, parce qu’elles réveillent en eux le souvenir des objets qu’ils sont accoutumés à désirer. Il n’est même pas rare de voir des hommes qui, lorsqu’ils ont faim, éprouvent un vif plaisir à la seule odeur des aliments ; mais ce plaisir est l’indice de l’intempérance ; car c’est le débauché qui désire surtout de telles jouissances.

Au reste, ce genre de sensations n’est pas un plaisir pour les animaux, ou du moins il ne l’est qu’accessoirement. En effet, ce n’est pas l’odeur du lièvre qui fait plaisir au chien, c’est d’en faire sa proie ; et l’odeur ne fait que réveiller en lui cette sensation. De même, le mugissement du taureau n’est pas une chose qui fasse plaisir au lion, il ne veut que le dévorer ; mais le mugissement qu’il entend, lui fait connaître qu’il est près de sa proie ; et voilà pourquoi ce genre de bruit semble lui faire plaisir. Pareillement la vue d’un cerf, ou d’une chèvre sauvage[1], n’est pas proprement ce qui lui donne de la joie, mais c’est de pouvoir incessamment satisfaire sa faim[2].

  1. Allusion au passage d’Homère. (Iliad. ch. iii, vs. 23.)
  2. « Les animaux, dit ailleurs notre philosophe (Eudem. l.3, c. 2), n’aiment les odeurs qu’autant qu’elles réveillent en eux