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plus courageux que celui qui montre de la confiance dans les occasions qui exigent de l’audace. Or, c’est par la fermeté avec laquelle on supporte la peine et la douleur, que l’on mérite, comme je l’ai dit, le nom d’homme courageux ; et voilà pourquoi on loue avec justice le courage, parce qu’il est une chose pénible, et qu’il est plus difficile d’endurer ce qui cause de la peine, que de s’abstenir de ce qui donne du plaisir. Néanmoins, la fin que se propose cette vertu a bien aussi son attrait, mais qui semble disparaître au milieu de toutes les circonstances qui l’accompagnent. C’est ce qu’on peut voir, par exemple, dans les combats athlétiques : car la fin que se proposent les athlètes, la couronne et les honneurs qu’ils espèrent obtenir, sont sans doute des choses agréables ; mais les coups et les blessures auxquels ils sont exposés, la fatigue continuelle qu’ils endurent, sont aussi des choses pénibles et douloureuses, quand on n’est pas tout à fait insensible ; et comme ces maux sont considérables, tandis que le fruit qu’on en recueille l’est assez peu, il semble qu’en effet il n’y ait rien d’agréable [dans une telle profession].

Or, si telle est la nature du courage, les blessures et la mort même ne peuvent être qu’un sujet d’affliction pour l’homme courageux, et il ne peut s’y exposer qu’avec répugnance ; mais il les supportera parce qu’il y a de l’honneur à le faire, et qu’il y aurait de la honte à ne le faire pas. Plus même il possédera toutes les vertus, plus il sera heureux, plus la mort doit lui causer de peine ;