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quand le péril a pu se prévoir, on peut prendre une résolution fondée sur le raisonnement ou sur la raison ; mais c’est l’habitude seule qui nous détermine dans le cas d’un événement inattendu.

Ceux qui ignorent le danger qui les menace peuvent aussi quelquefois paraître courageux, et ressemblent, en effet, beaucoup aux hommes pleins de confiance et d’espoir ; néanmoins ceux-ci leur sont supérieurs, en ce qu’ils ont au moins une opinion fondée jusqu’à un certain point, au lieu que les autres n’en ont aucune : Aussi les premiers tiennent-ils ferme pendant quelque temps, tandis que ceux dont la confiance n’est fondée que sur l’erreur et l’ignorance, du moment où ils viennent à connaître, ou même à soupçonner qu’ils s’étaient trompés, prennent la fuite. C’est ce qui arriva aux Argiens qui avaient attaqué les Spartiates, les prenant pour des Sicyoniens[1]. Nous avons donc fait connaître quels sont les hommes qui ont le véritable courage, et comment ils diffèrent de ceux qui n’en ont que l’apparence.

IX. Mais quoique le courage se rapporte aux passions et aux actes où paraissent l’audace et la crainte, il ne se manifeste pas également dans les unes et dans les autres, mais plus dans les occasions où il y a lieu d’éprouver de la crainte ; car celui qui conserve son sang-froid dans ces occasions-là, et qui s’y comporte comme il le doit, est

  1. Voyez le détail de cet événement dans l’Histoire grecque de Xénophon (l. 4, c. 4, § 10).