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ou à quelque genre d’escrime que ce soit ; car ils s’y exercent incessamment. C’est donc le comble de la stupidité d’ignorer que les habitudes, en tout genre, résultent de la continuité des actes ; et de plus, il est absurde de prétendre qu’on ne veut pas devenir injuste, quand on commet des injustices, ou débauché, quand on se livre à la débauche.

Mais, si l’on devient volontairement injuste, en faisant sciemment des choses qui sont de nature à vous rendre tel, il ne faut pas croire qu’on pourra cesser de l’être, et devenir juste, aussitôt qu’on le voudra ; pas plus qu’un homme qui se serait rendu malade, en vivant volontairement dans l’intempérance, et négligeant les avis des médecins, ne pourra recouvrer la santé quand il le voudra. On le pouvait avant que d’être malade ; mais une fois qu’on s’est abandonné à la maladie, cela n’est plus possible. Ainsi celui qui a une fois lâché la pierre qu’il tenait dans la main, ne peut plus la retenir : cependant, il était maître de la lancer ou de la jeter ; car le principe de son action était en lui-même. Pareillement, l’homme injuste et le débauché pouvaient, au commencement, s’empêcher de devenir tels ; et voilà pourquoi ils le sont volontairement ; mais, une fois qu’ils le sont devenus, il n’est plus en leur pouvoir de ne pas l’être[1].

  1. « Celui qui cherche un moyen de s’arrêter dans la route du vice, dit Cicéron, est comme un homme qui croirait qu’après s’être précipité du rocher de Leucade, on peut retarder