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persuader de ne pas éprouver les sensations du chaud, du froid, ou de la faim, ou quelqu’autre sentiment de ce genre, puisque nous ne les éprouverions pas moins pour cela.

Les législateurs punissent même l’ignorance, quand elle paraît pouvoir à bon droit être imputée au coupable ; ainsi ils imposent quelquefois une double peine au délit commis dans l’ivresse[1] ; car alors la faute en est au délinquant, puisqu’il était le maître de ne pas s’enivrer, et que l’ivresse a été la cause de son ignorance. Ils punissent aussi ceux qui ignorent une chose prescrite par les lois, et dont il leur eût été facile de s’instruire ; et pareillement, dans d’autres cas, ils punissent toute ignorance qui semble produite par la négligence, attendu qu’il dépendait du coupable de ne pas ignorer, et qu’on est maître de s’appliquer et de s’instruire. Cependant (dira-t-on peut-être) il y a tel homme qui est incapable d’application : mais c’est lui qui en est la cause ; c’est sa vie molle et sa nonchalance qui l’a rendu tel, comme c’est l’habitude de vivre dans la débauche et de commettre des injustices, qui fait, en général, les hommes injustes et débauchés ; car la fréquente répétition des actes dans chaque genre, produit une manière d’être conforme à ces actes. Cela se voit clairement par ceux qui s’appliquent à quelque espèce d’actions,

  1. Aristote, dans un autre endroit (Politic. l. 2, c. 9), attribue cette loi à Pittacus.