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y a de vrai dans chaque objet, comme étant lui-même la règle et la mesure de ces objets : au lieu que le plaisir semble être, pour le vulgaire, une cause continuelle d’illusions, parce qu’il lui semble un bien, quoiqu’il ne le soit pas. Aussi ne manque-t-on pas de préférer, comme bon, ce qui est agréable, et de fuir, comme un mal, ce qui cause de la peine ou de la douleur.

V. Mais, puisque la fin est l’objet de la volonté, et que les moyens d’y atteindre sont celui de la délibération et du choix, il s’ensuit que les actions auxquelles elle donne lieu, sont l’effet d’une détermination réfléchie, et qu’elles sont volontaires, et que les actes de vertu sont dans le même cas. La vertu dépend donc de nous, et le vice aussi : car dans les cas où il dépend de nous d’agir, nous pouvons aussi ne pas agir : et quand il dépend de nous de dire oui, il est aussi en notre pouvoir de dire non ; en sorte que, si nous sommes maîtres de faire ce qui est bien, nous le sommes aussi de ne pas faire ce qui est mal. Or, si nous sommes maîtres de faire ou de ne faire pas les bonnes actions, aussi bien que les mauvaises, c’est-à-dire d’être bons ou méchants, il dépendra donc de nous d’être ou vils ou estimables[1]. Et le poète

  1. Voy. M. M. l. i, c. 9, où l’on attribue, à Socrate une opinion contraire à celle-ci : « Socrate a prétendu qu’il ne dépend pas de nous d’être vertueux ou vicieux ; car, dit-il, jamais un homme à qui l’on demanderait s’il aime mieux être juste qu’être injuste, ne préférera être injuste. »