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fait pas un choix convenable, ne sera pas l’objet de la volonté. Car, s’il était préférable, ce serait le bien ; or, dans notre hypothèse, il se trouve que c’est le mal.

D’un autre côté, dans l’opinion de ceux qui prétendent que l’objet de la volonté est ce qui semble être un bien, il n’y aura point d’objet qui soit tel par sa nature ; mais ce sera, pour chaque homme, ce qui lui paraît tel. Par conséquent, l’un le verra dans une chose, l’autre dans une autre, qui, dans cette hypothèse, sera peut-être tout-à-fait contraire. Enfin, si l’on n’est pas satisfait de ces résultats, faudra-t-il dire que l’objet de la volonté est véritablement [et dans un sens absolu] le bien ; mais que, pour chaque individu, c’est ce qui lui semble tel ? Ainsi donc, pour l’homme vertueux et sage, ce sera le bien véritable ; mais, pour l’homme sans vertu, cela dépendra des circonstances ou du hasard. Et de même que, pour les corps dans l’état de santé, les aliments sains sont ceux qui sont véritablement tels, au lieu que, pour un corps malade, ce sont d’autres aliments ; il en faudra dire autant du doux et de l’amer, de la chaleur, de la pesanteur, et de toutes les autres qualités de ce genre. En effet, l’homme sage et raisonnable juge sainement de tout, et démêle avec sagacité le vrai dans chaque chose ; car toute disposition particulière ou singulière est appropriée à un certain genre de beauté, ou d’agrément, qui est destiné à l’affecter. Et peut-être que l’homme sensé a ce précieux et immense avantage de reconnaître ce qu’il