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parce que sans cesse elle tend vers ce milieu, en tout ce qui tient aux passions et aux actions. Voilà pourquoi c’est une affaire que de devenir vertueux ; car, en tout genre, tenir le juste milieu est une tâche difficile. Ainsi, trouver le centre d’un cercle n’est pas le fait de quiconque voudra l’entreprendre, mais de celui qui sait [la géométrie] ; et pareillement, s’abandonner à la colère, ou prodiguer l’argent, est chose facile, et que tout le monde peut faire ; mais ne le faire qu’autant et de la manière qu’il le faut, avoir, en le faisant, un juste égard aux personnes et aux motifs, voilà ce qui n’est plus facile, et qui n’est pas donné à tous ; c’est pour cela que ce qu’on fait bien, est beau, rare et digne de louange.

Il faut donc que celui qui aspire à ce juste milieu, commence par s’éloigner de l’extrême le plus opposé, suivant le conseil de Calypso[1].

Loin des lieux où s’élève une sombre vapeur
Dirige ton vaisseau…


car, entre les deux extrêmes, il y en a un qui est plus vicieux, et l’autre qui l’est moins. Et, puisqu’il est très-difficile d’arriver à ce point si désirable, il faut, en changeant (comme on dit) la manœuvre[2], s’approcher plutôt de l’extrême le

  1. Ce n’est pas Calypso qui dit ces paroles, tirées de l’Odyssée d’Homère (ch. xi, vers. 219), et que notre philosophe lui attribue ici, par une erreur de mémoire ; c’est Ulysse racontant les avis qui lui ont été donnés par Circé.
  2. C’est le sens de l’expression proverbiale δεύτερος πλοῦς