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La vertu est donc une habitude de se déterminer, conformément au milieu convenable à notre nature, par l’effet d’une raison exacte et telle qu’on la trouve dans tout homme sensé. Ce milieu se rencontre entre deux vices, l’un par excès, et l’autre par défaut ; et de plus, comme nos passions et nos actions peuvent nous écarter du devoir, par excès aussi bien que par défaut, c’est à la vertu qu’il appartient de trouver le milieu entre ces extrêmes opposés, et de s’y fixer. Voilà pourquoi la vertu, quant à son essence et à sa définition[1], est une sorte de moyen terme ; mais considérée dans ce qu’elle a de bon ou même d’excellent, elle est, pour ainsi dire, un extrême.

Toutefois ce milieu ne se rencontre pas dans toutes sortes d’actions et de passions ; il y en a dont le nom seul emporte avec soi l’idée de quelque chose d’odieux et de vil ; par exemple, la malveillance (ou la disposition à se réjouir du mal d’autrui), l’impudence, l’envie, et, en fait d’actions,

  1. Aristote se sert ici d’une expression qui a fort exercé tous les commentateurs, tant chez les Grecs que dans les siècles du moyen âge ; c’est le τί ἦν εἶναι, que les scolastiques ont exprimé par le mot latin barbare quidditas, et que je rends ici par le terme définition, qui du moins semble autorisé par ce qu’en dit l’auteur lui-même dans plusieurs endroits de ses ouvrages. (Voy. entre autres, Topic. l. i, c. 4 ; Metaphys. l. 6, c. 5 et 6.) Quant à la valeur grammaticale de l’expression grecque, on voit, par ce qu’en dit Sextus Empiricus (Adv. Mathemat. p. 315), que de son temps les érudits n’avaient pu parvenir à la déterminer d’une manière satisfaisante.