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trouvera dans l’homme heureux, et il le conservera toute sa vie. Car les actions conformes à la vertu seront toujours, ou du moins la plupart du temps, ce qu’il fera et ce qu’il considérera avant tout ; et quant aux revers de la fortune, il saura les supporter, quels qu’ils soient, avec dignité et avec calme : car il sera l’homme véritablement vertueux, et dont toute la conduite n’offre rien qui soit à reprendre[1].

D’ailleurs les accidents de fortune étant aussi nombreux que différents par le degré de bien ou de mal qui les accompagne, il est clair que ces chances heureuses ou malheureuses, si elles sont de peu d’importance, n’ont pas une grande influence sur la vie ; tandis que les grandes prospérités la rendent réellement plus heureuse : car naturellement elles sont faites pour l’embellir, et l’usage qu’on en fait donne un nouveau lustre à la vertu. Au contraire, les grandes infortunes diminuent et gâtent, en quelque sorte, le bonheur, car elles, causent de vifs chagrins, et sont, dans bien des cas, un obstacle aux actions vertueuses.

  1. Aristote se sert ici d’une expression métaphorique, employée avant lui par Simonide, ἄνδρα τετράγωνον (littéralement un homme quarré), qui était devenue comme proverbiale : soit parce que la forme cubique était regardée comme présentant naturellement l’idée de la plus grande stabilité, ou parce que la figure quarrée était regardée comme la plus parfaite. Platon, dans le Protagoras (p. 339), cite, avec quelque étendue, les paroles de Simonide ; et Aristote rappelle cette expression métaphorique dans sa Rhétorique (l. 3, c. II).