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J’ose à peine le dire ; mais sur celle question scabreuse, Platon parle quelquefois un langage dont le matérialisme pourrait se prévaloir.

Protagore, dans un entretien où il a plus d’une fois l’avantage sur Socrate, a beau lui opposer les arguments les plus décisifs et les plus clairs, Socrate ne se rend pas; et il soutient, contre l’évidence, que la vertu étant aussi involontaire que le vice, elle ne peut pas être enseignée. Protagore allègue l’opinion vulgaire, c’est-à-dire le sens commun, qui blâme le vice, qui le méprise et le châtie, parce qu’on croit généralement qu’il dépend du coupable de mal faire et de s’amender sous le, coup de la juste peine qui le frappe. Pour les défauts que les hommes attribuent à la nature ou au hasard, on ne se fâche point contre ceux qui en sont déparés. Mais pour les biens que l’on croit accessibles à l’humanité par l’application, l’exercice et la science, on poursuit d’indignation, de réprimandes et de châtiments ceux qui ne les ont point, et qui ont les vices contraires. Protagore atteste en outre l’éducation qu’en public et en particulier on s’efforce toujours de donner aux enfants, dans la conviction où l’on est que ces leçons leur seront profitables. Mais Socrate résiste à la puissance de ces raisons ; et l’entretien finit sans qu’il