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C’est ainsi qu’une fois qu’on a lancé une pierre, on ne peut plus l'arrèter et la reprendre ; et cependant il ne dépendait que de nous seuls de la lancer ou de la laisser tomber de notre main ; car le mouvement initial était à notre disposition. Il en est de même pour le méchant et le débauché ; il dépendait d’eux dans le principe de n’être point tels qu’ils sont devenus, et c’est volontairement qu’ils se sont pervertis ; mais une fois qu’ils le sont, il ne leur est plus possible de ne pas l’être.

g 14. Mais ce ne sont pas seulement les vices de l’âme qui sont volontaires ; dans bien des cas, ceux même du corps ne le sont pas moins ; et alors nous les blâmons tout autant. Ainsi, l’on ne reproche à personne une difFormité naturelle, et l’on blâme ceux qui n’ont cette difformité que par mi défaut d’exercice ou de soin. On fait la même distinction pour la faiblesse , la laideur et les infirmités. Qui ferait des reproches, par exemple, à un homme parce qu’il est aveugle de naissance, ou parce qu’il l’est devenu à la suite d’ime maladie ou d’un coup ? On plaint bien plutôt son malheur. Mais tout le monde adresse un juste blâme à celui qui le devient par l’habitude de l’ivresse, ou par tel autre vice. § 15. Ainsi donc pour les vices du corps, on blâme ceux qui dépendent de nous ;

dont se sert Aristote. — Il ne leur est plus possible de ne pas l’être. Aristote revient donc en partie au principe de Platon en l’expliquant; et c’est ainsi qu’il a dit plus haut que ce principe n’était pas faux d’une manière absolue. La vérité, c’est que l’homme qui pouvait ne pas se rendre vicieux, ne peut plus s’empêcher de l’être, quand une fois il l’est devenu.

§ 14. Les vices de l'âme... ceux même du corps. Assimilation très- juste dans les limites où la restreint Aristote, avec autant de sagacité que de mesure.