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supposant gratuitement que le bien est dans les nombres et dans les unités, attendu que le bien en soi est un et par tout le même. § 13[1]. Au contraire, c’est en partant de choses que tout le monde s’accorde à regarder comme des biens, la santé, la force, la sagesse, qu’il faudrait démontrer que le beau et le bien se trouvent dans les choses immobiles plutôt que partout ailleurs ; car tous ces biens ne sont qu’ordre et repos ; et si ces premières choses, c’est-à-dire la santé et la sagesse, sont des biens, les autres le sont encore davantage, parce qu’elles ont bien davantage d’ordre et de repos. § 14[2]. Mais ce n’est qu’une image au lieu d’une démonstration, quand on prétend que le bien en soi est un, parce que les nombres eux-mêmes le désirent. On serait fort embarrassé d’expliquer clairement comment des nombres désirent quelque chose ; c’est là évidemment une expression trop absolue ; et, je le demande, comment pourrait-on supposer qu’il y ait désir là où il n’y a pas même de vie ? § 15[3]. C’est un sujet d’ailleurs qui exige qu’on se donne de la peine ; et il ne faut rien hasarder sans raisonnements à l’appui, dans des matières où il n’est pas facile d’arriver à quelque certitude, même à l’aide de la raison. Il n’est pas non plus exact de dire que

  1. Dans les choses immobiles. C’est-à-dire dans les essences éternelles. — C’est-à-dire la santé et la sagesse. J’ai ajouté ceci, pour que la pensée fût parfaitement claire.
  2. Qu’une image au lieu d’une démonstration. C’est le reproche ordinaire d’Aristote à Platon ; et depuis lors, il a été fréquemment répété. — Parce que les nombres eux-mêmes le désirent. Je ne crois pas qu’on trouve cette formule, qui est en effet assez singulière, dans Platon ; elle appartient peut-être à ses successeurs.
  3. Un sujet qui exige qu’on se donne de la peine. Platon s’en est donné certainement beaucoup pour la théorie des Idées ; et la critique ne serait pas juste contre lui personnellement. — Tous les êtres sans exception… Ceci serait plus applicable à Platon lui-même, bien qu’il ne soit pas encore sur ce point aussi précis que ce texte le ferait supposer, s’il se rapportait à lui.