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non besoin d'amitié ? Ou bien restera-t-il indépendant, et se suffira-t-il, même à l'égard de ces douces affections, dont il pourra se passer ? Les poètes semblent le dire :

«  Quand le ciel vous soutient, qu'a-t-on besoin d'amis? »

§ 2. Et de là vient cette question qu'on peut faire : Celui qui a tous les biens en abondance, et qui se suffit à lui-même complètement, a-t-il encore besoin d'un ami ? Ou bien n'est-ce pas surtout le cas d'avoir des amis ? A qui fera -t-on du bien ? Avec qui vivra-t-on, puisque certainement on ne vivra pas tout seul ? Mais si l'on a besoin de ces affections, et si l'on ne peut les avoir sans l'amitié, l'homme indépendant, tout en se suffisant à lui-même, a donc encore besoin d'aimer.

§ 3. La comparaison qu'on a tirée de la divinité, et qu'on répète si souvent, n'est pas toujours fort juste quant à Dieu, ni très utilement applicable quant à nous. Ce n'est pas parce que Dieu est indépendant, et n'a besoin de quoique ce soit, que nous aussi nous saurions n'avoir besoin de rien.

§ 4. Voici le raisonnement que l'on a fait plus d'une fois sur Dieu. Si Dieu, dit-on, possède tous les biens, et s'il est souverainement