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sorte une nature privée de raison. L'homme que favorise la fortune est celui qui se porte sans une raison suffisamment éclairée à' la recherche des biens, et les rencontre. Son succès ne peut être attribué qu'à la nature, puisque c'est la nature qui a placé dans notre âme cette force aveugle qui nous porte, sans l'intervention de la raison, vers tout ce qui doit nous faire du bien.

§ 9. Que si l'on demande à l'homme qui a si bien réussi : « Pourquoi vous a-t-il paru convenable de faire comme vous avez fait ? Je n'en sais rien, répondra-t-il ; c'est que cela m'a convenu comme cela. » Il est absolument comme les gens possédés d'enthousiasme ; ils sont emportés par le sentiment qui les domine, et ils sont poussés, sans être guidés par la raison, à faire ce qu'ils font.

§ 10. Nous ne pouvons pas du reste donner à la fortune un nom qui lui soit propre et spécial, bien que nous l'appelions souvent une cause. Mais la cause est tout autre chose que le nom qu'on lui donne. En effet, la cause et ce dont elle est cause sont des choses très distinctes ; et l'on peut encore appeler la fortune une cause, indépendamment de cette force toute instinctive qui nous fait acquérir les biens que nous désirons ; par exemple, c'est la cause qui fait qu'on ne subit pas de mal dans un certain cas, ou qu'on reçoit du bien dans un cas où l'on ne devait pas s'y attendre.

§ 11. Ainsi donc, la fortune, la prospérité