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quoiqu’il te faille mourir de faim. Est-ce qu’au lieu d’habits tu ne leur donnes pas de vieux haillons ? Au lieu de lit, une litière de jonc pleine de cousins qui ne les laissent point dormir ? Pour tapis, une natte pourrie ? Pour traversin, une grosse pierre ? Au lieu de pain, des racines de mauve ? Pour toute bouillie, de méchantes feuilles de raves ? Au lieu de siège, le couvercle d’une amphore brisée, et, au lieu de mortier[1], une moitié de tonneau toute fendue ? Hé bien ! ne fais-je pas voir là que tu procures de grands avantages à tous les hommes !

LA PAUVRETÉ.

Ce n’est pas la vie des pauvres que tu viens de décrire, mais celle des gueux et des mendiants.

CHRÉMYLE.

Ne disons-nous pas que la Pauvreté est la sœur de la mendicité ?

LA PAUVRETÉ.

Oui, vous qui soutenez que Denys ressemble tout à fait à Thrasybule[2]. Ma vie n’est point et ne sera jamais exposée à ces terribles incommodités. La vie du mendiant dont tu parles, c’est de n’avoir jamais rien. Mais celle du pauvre, c’est de vivre d’épargne, de s’attacher à son travail, de ne manquer de rien et de n’avoir rien de superflu.

CHRÉMYLE.

Ô par Cérés ! Tu nous parles là d’une vie fort heureuse,

  1. On broyait autrefois son blé dans des mortiers, où, après cela, on détrempait la farine. Ceux qui ne pouvaient se procurer de mortier, se servaient d’un tonneau coupé en deux.
  2. Thasybule, en chassant les trente tyrans, avait sauvé sa patrie ; Denys, au contraire, avait asservi la sienne : le premier, l’an 401, le second, l’an 405 avant Jésus-Christ.