Page:Aristophane - Théâtre 1889 tome 2.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répliques-tu à cela ? Prends garde seulement à ne pas te laisser maîtriser par la colère et à ne pas t’emporter au delà du but, car il t’a dit des choses piquantes. Ô brave athlète, n’écoute pas les mouvements de ton courroux, mais replie les voiles : que le vent n’en frappe que les extrémités ; dirige de plus en plus ton vaisseau, et observe le moment où tu sentiras un vent frais et doux. Mais, ô toi, qui, le premier des Grecs, as porté la pompe des expressions à son comble et as donné à la tragédie un air plus distingué, quitte le port avec confiance.

Eschyle.

Je suis furieux d’un tel conflit. Je sens la bile bouillonner dans mon sein, à la pensée qu’il me faut lutter avec un tel adversaire. Qu’il ne se vante cependant pas de m’avoir désarmé. Allons ! réponds-moi, que doit-on le plus admirer dans un poète ?

Euripide.

Sa prudence et son art de rendre les hommes meilleurs.

Eschyle.

Or, si tu n’as point atteint ce but, et si d’honnêtes et loyaux tu les as rendus lâches, quel supplice conviendras-tu que tu mérites ?

Bacchus.

La mort. Je réponds pour lui.

Eschyle.

Vois donc quels hommes il a reçus, formés par mes mains. C’étaient des gens vigoureux et de quatre coudées, ne refusant aucun emploi public ; ce n’étaient pas des scélérats, des fourbes et des charlatans comme aujourd’hui ; ils ne soupiraient qu’après la hache, les lances,