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Euripide.

Il te fallait donc de ces ornements dans tes tragédies.

Eschyle.

Voyons, ennemi des dieux, dis-nous ce que tu as fait.

Euripide.

Par ma foi, je n’ai représenté ni chevaux ailés, ni capricerfs, à ton exemple, et tels qu’on les voit sur les tapis de Perse[1]. Mais quand j’ai eu reçu de tes mains la tragédie, gonflée d’un vain attirail et de son propre poids, j’ai aussitôt élagué cette enflure et diminué ce poids, et j’y ai appliqué de petits vers, une marche légère, de faibles bêtes, auxquelles j’ai ajouté une quintessence épurée de bagatelles, extraite de mes lectures. Enfin je l’ai nourrie de monologues, avec un mélange de Céphisophon. Dans cet état, je ne disais rien sans y avoir réfléchi, et je ne faisais pas indistinctement usage de tout ce qui me venait à l’idée, et le premier que je mettais en scène, exposait, avant tout, le sujet de la pièce.

Bacchus.

Il valait mieux pour toi qu’on parlât de cela plutôt que de toi-même.

Euripide.

De plus, je ne souffrais pas, dès les premiers vers, qu’aucun personnage restât dans l’inaction ; tous prenaient la parole, la femme, l’esclave, le maître, la jeune fille et la vieille.

Eschyle.

Une pareille conduite ne méritait pas la mort ?

  1. Les tapis de Babylone jouissaient d’une très grande célébrité.