Et maintenant, peuple, prêtez-nous attention, si vous aimez un langage sincère.
Le poète désire, à présent, adresser des reproches aux spectateurs. Il prétend qu’on lui a fait une injustice, à lui qui s’est souvent bien conduit envers vous, pas ouvertement sans doute, mais en aidant secrètement d’autres poètes. Imitateur des prophéties et des procédés d’Euryklès, il fit passer dans d’autres ventres bon nombre de ses traits comiques. Bientôt, il affronta le risque de se montrer ouvertement et de lui-même, prenant en mains les rênes, non plus de la bouche d’autrui, mais de celle de ses propres muses. Porté au sommet de la grandeur, plus honoré que jamais personne d’entre vous, il dit n’avoir pas atteint le comble, ni être gonflé d’orgueil, ni parcourir les palestres en séducteur. Si quelque amant, mû par la haine, accourait sur lui pour s’être raillé comiquement de ses amours, il dit qu’il n’a jamais fléchi devant personne, gardant la ferme résolution de ne pas faire jouer aux muses dont il s’inspire, le rôle d’entremetteuses. La première fois qu’il joua, il n’eut pas, selon lui, à combattre des hommes, mais à s’armer du courage de Hèraklès, pour attaquer les plus grands monstres, assaillant tout d’abord avec vigueur la bête aux dents aiguës, dans les yeux de laquelle luisaient des rayons terribles comme les yeux de Kynna, et dont les cent têtes étaient léchées en cercle par des flatteurs, gémissant autour de son cou : elle avait la voix redoutable d’un torrent qui grossit, l’odeur d’un phoque, les testicules malpropres d’une Lamia, et le derrière d’un chameau. À la vue de ce monstre, notre poète dit que la peur ne lui fera pas offrir des présents, mais qu’aujourd’hui encore il va combattre pour vous. Il ajoute qu’après ce monstre, il lutta, l’an passé, contre