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avec une assurance dont les plus grands génies n’auraient pas osé donner l’exemple.

On peut le citer comme un modèle de ce langage hardi et chargé de rapprochemens singuliers qui faisait fortune alors, et qui commença la révolution survenue dans l’art d’écrire. Ce ne sont plus ces expressions naturelle et vraie que l’on retrouve dans les écrits de Bayle, de Pascal, d’Arnauld et d’autres qui ont embrassé le genre polémique ; il s’en faut même de beaucoup, suivant nous, que le style des Lettres Juives approche de celui de l’Espion Turc, ouvrage écrit vers le commencement du dernier siècle, et où l’on retrouve encore avec le goût des anecdotes intéressantes, une manière d’écrire sans prétention et sans enflure.

Le succès des Lettres Juives fut dû à la singularité du cadre, à la variété des matières qui y sont traitées, et au système d’incrédulité et de dénigrement qui en fait le fonds. C’était alors un grand mérite ; ce serait aujourd’hui d’un très-mauvais goût et un juste titre de mépris.

L’auteur annonce cependant qu’il n’a eu d’autres but « que de condamner le vice, de faire aimer la vertu ; de détruire, s’il était