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Il n’en persista pas moins dans celui de se retirer en Provence ; il avait alors soixante ans passés, ses rhumatismes le tourmentaient, le vent du nord le faisait souffrir, il regrettait le beau soleil de cette province et aspirait au bonheur d’y finir ses jours en liberté ; peut-être aussi craignait-il que s’il venait à mourir sa femme ne pût pas vivre convenablement à Berlin.

Il s’ennuyait de la sujétion des soupers du roi, lui qui n’aimait rien tant que de rester dans sa chambre, enveloppé dans ses robes de chambre ou dans son lit, entre des oreillers et des couvertures. « La société des grands, disait-il quelquefois, est de la nature du péché, au commencement elle paraît agréable mais le premier agrément une fois passé, elle trouble le repos ».

Le marquis était convenu avec le roi que dès qu’il aurait soixante ans accomplis, il se retirerait en France et qu’il aurait son congé de plein droit ; cette heure était attendue avec impatience, parce que le roi n’était point d’humeur à le laisser partir une troisième fois ; encore ne fut-ce qu’en employant beaucoup d’adresse et en promettant de revenir au bout de six mois, qu’il permit au marquis de partir, comme on le verra plus bas.