Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai réfléchi depuis que c’était avec quelque espèce d’injustice que monsieur de Fontenelle avaitcomparé Homère, lorsqu’il avait employé plusieurs dialectes dans son Iliade, à un homme qui composerait un poème, en picard, en champenois, en languedocien et en breton. Ces idiomes n’ont point entre eux le même rapport que les dialectes différentes des Grecs. Il y a même apparence qu’il en était chez les Grecs comme chez les Turcs, c’est-à-dire que leurs savans se servoient de ce qu’ils trouvaient de beau dans les idiomes différens. Aussi voyons-nous que Pindare en a employé quelquefois deux différens dans ses odes.

Je ne fais point cette réflexion pour condamner monsieur de Fontenelle. Les grands hommes tels que lui méritent que, quelque raison qu’on croie avoir, on suspende son jugement ; et, quand il y aurait encore plus d’apparence à ce que je dis, l’autorité d’un génie aussi beau et aussi étendu me ferait douter de la justesse de mon raisonnement.

Les Turcs sont mauvais musiciens, ou, pour mieux dire, ils ne le sont point du tout. Ils jouent de la guitarre, du tambourin, du tympanon quelques airs qu’ils apprennent par routine, comme nos borgnes et nos aveu-