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saisons, ou comme de ces prodiges qui ne sont produits que dans une longue suite de siècles. Il est aussi difficile à la nature de former un homme tel que Michel-Ange ou Raphaël, qu’il est rare qu’elle enfante souvent des Virgile et des Horace. Pour produire des chefs-d’œuvre dans les arts et dans les sciences, ce n’est point assez que l’exemple des grands hommes, le loisir de travailler, l’application assidue ; il faut encore un génie supérieur ; il faut que le Ciel, en nous créant, ait mis en nous une disposition naturelle pour aller à la perfection que ne donne point l’étude la plus pénible et la plus longue.

Si vous examinez les arts en France, vous connaîtrez aisément la vérité de ce que je vous dis. Francois ier les amena d’Italie dans son royaume ; ils y parurent comme une fleur brillante qu’un même jour voit éclore et flétrir ; les guerres civiles qui survinrent pendant cinq ou six règnes, les firent gémir dans l’obscurité. Ils commencèrent à reparaître sous Henri iv. Le cardinal de Richelieu, le restaurateur, le père, le protecteur des sciences et des arts, prépara par les bienfaits, dont il encouragea les hommes médiocres qui vivaient de son temps, cette foule de peintres illustres,